Pierre Magnaud, son discours sur le 80e anniversaire de la libĂ©ration des camps đŸ””âšȘ🔮


Cette annĂ©e 2025 marque le 80Ăšme anniversaire de la capitulation de l'Allemagne nazie, mais aussi le 80Ăšme anniversaire de la libĂ©ration des camps : camps de prisonniers, de concentration, d'extermination. Reneimois, membre de l’Union Nationale des Combattants de St Georges (UNC) et de l'Association des DĂ©portĂ©s InternĂ©s RĂ©sistants et Patriotes du RhĂŽne (ADIRP), Pierre Magnaud nous a confiĂ© son discours du 8 mai 2025. Sa connaissance de l’histoire des dĂ©portĂ©s, sa parole et ses mots ont su Ă©mouvoir l’assemblĂ©e venue nombreuse Ă  cette commĂ©moration.

[Photo de couverture de la Mairie de Villefranche-sur-SaĂŽne du 28 avril 2025, avec Pierre Magnaud entourĂ© par les sƓurs Lucette et Liliane Taguet, dont le pĂšre Gabriel a Ă©tĂ© dĂ©portĂ© au camp de Neuengamme, et Elina Tersou porte drapeau SNU UNC Arnas]


“Dans ce propos, je m'attacherai Ă  diffĂ©rencier scrupuleusement les Allemands et les nazis, tous les Allemands n'Ă©taient pas des nazis. 


Il y a eu des rĂ©seaux importants de rĂ©sistance en Allemagne, infiltrĂ©s jusque dans l'Ă©tat-major de la Wermacht. 


Je citerai : 


  • La rose blanche, rĂ©seau de militants catholiques rĂ©voltĂ©s par la politique ultra raciste des nazis. 

  • La rose blanche de Hambourg, militants catholiques et socialistes. 

  • L'orchestre rouge, rĂ©seau soviĂ©tique dirigĂ© par LĂ©opold TREPPER, juif polonais, prĂ©sent dans la plupart de pays europĂ©ens. Ce rĂ©seau envoya des milliers d'informations sĂ©rieuses et dĂ©taillĂ©es Ă  Moscou et aux Britanniques, c'est ainsi que dĂšs le mois de dĂ©cembre 1940, il alerte Staline sur l'imminence et l'ampleur de l'invasion allemande de l'union soviĂ©tique (opĂ©ration Barbarossa juin 41), mais Staline ne tint aucun compte des alertes rĂ©pĂ©tĂ©es, condamnant ainsi Ă  mort des millions de soviĂ©tiques civils et militaires. Une erreur stratĂ©gique de plus pour le dictateur. 


Beaucoup d'hommes et de femmes de ces rĂ©seaux ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s, sauvagement torturĂ©s puis exĂ©cutĂ©s de façon ignoble (dĂ©capitation Ă  la hache). 

Par leurs actions, ils ont largement contribuĂ© Ă  la victoire finale, nous leur devons donc respect, reconnaissance et mĂ©moire. 

RĂ©sumer et expliquer la rĂ©sistance et la dĂ©portation en quelques lignes est une tĂąche difficile voire impossible. J'ai donc choisi de mettre en exergue le sort de deux dĂ©portĂ©s français qui me paraĂźt expliciter pleinement comment les dĂ©portĂ©s plongĂ©s au cƓur de l'enfer ont pu rĂ©sister. 


Le 1er s'appelle Marcel Paul, nĂ© en 1900, ouvrier Ă©lectricien, membre de la CGT et du Parti Communiste. 



Contrairement Ă  ses camarades communistes, il s'engage dans la rĂ©sistance dĂšs 1940 ce qui lui vaudra d'ĂȘtre exclu du parti (il faut respecter le pacte germano-soviĂ©tique). Distribution de tracts, constitution en Bretagne de stock d'armes, de munitions, d'explosifs, attentats contre les nazis, etc... 


DĂ©noncĂ©, il est arrĂȘtĂ© en novembre 41 par la police française. EmprisonnĂ© Ă  la SantĂ© puis Ă  FONTEVRAUD, il y organise des rĂ©voltes et fait plusieurs tentatives d'Ă©vasion qui lui valent d'ĂȘtre livrĂ© aux nazis en avril 44. Il est transfĂ©rĂ© Ă  Auschwitz, camp d'extermination en avril puis Ă  Buchenwald en mai, camp de travail forcĂ© au profit des industries de guerre allemandes (BMW, IG FARBEN, etc...). 


Avec le Colonel MANHES, ancien adjoint de Jean MOULIN, il organise la vie Ă  l'intĂ©rieur du camp (60 000 dĂ©portĂ©s) pour empĂȘcher la loi de la jungle de s'instaurer. Protection des plus faibles, rĂ©partition des corvĂ©es en fonction des capacitĂ©s physiques de chacun, rĂ©partition Ă©quitable du peu de nourriture disponible. Imaginez les difficultĂ©s pour organiser ce travail dans un camp soumis Ă  la dictature des gardiens et de la gestapo et oĂč les exĂ©cutions sommaires Ă©taient monnaie courante. 


Par leur travail quotidien, ils se sont efforcĂ©s de rendre moins dures des conditions de dĂ©tention effroyables. Dans le mĂȘme temps, ils mettent sur pied plusieurs rĂ©seaux de rĂ©sistance Ă  l'intĂ©rieur du camp regroupĂ©s sous le titre gĂ©nĂ©rique de “Brigade Française d'Action LibĂ©ratrice” et c'est tous les jours qu'ils risquaient leur vie ; qui permettra le 11 avril 1945 la prise de contrĂŽle du camp par les dĂ©tenus faisant prisonniers tous les gardiens et militaires quelques jours avant l'arrivĂ©e des AmĂ©ricains. 


Le 2Ăšme s'appelle Marcel BLOCH, nĂ© en 1892, ce brillant ingĂ©nieur aĂ©ronautique est Ă  la tĂȘte d'une petite entreprise d'aviation dans les environs de PARIS.


Depuis 1940, il refuse obstinĂ©ment de collaborer avec les nazis et de leur livrer ses secrets de fabrication. De guerre lasse, les nazis l'envoient Ă  Buchenwald le 25 aoĂ»t 1944 sous le matricule 39611. Sa faible constitution le destine rapidement Ă  une mort certaine (mauvais traitements, manque de nourriture et d'hygiĂšne). Il contracte rapidement la diphtĂ©rie. 


Marcel PAUL fait sa connaissance et dĂ©cide de le prendre sous son aile et de le protĂ©ger jusqu'au bout. Du fond de son enfer quotidien, il est persuadĂ© que la France et les alliĂ©s finiront par vaincre le monstre nazi et il sait que pour se reconstruire la France aura besoin d'industriels chevronnĂ©s de la trempe de Marcel BLOCH. 


Et c'est ainsi, que l'ouvrier communiste, athĂ©e, s'associe dans une grande confiance rĂ©ciproque avec le patron juif et gaulliste. 


AprĂšs la libĂ©ration, Marcel PAUL sera nommĂ© ministre de la Production industrielle dans le gouvernement du GĂ©nĂ©ral de GAULLE. Il procĂ©dera au regroupement de tous les producteurs privĂ©s de gaz et d'Ă©lectricitĂ© qu'il nationalisera et qui deviendront: ElectricitĂ© de France (EDF) et Gaz de France (GDF). 


Dans le mĂȘme temps, avec le Colonel Henri MANHES, il fonde la FĂ©dĂ©ration Nationale des DĂ©portĂ©s, InternĂ©s, RĂ©sistants et Patriotes (FNDIRP) dont l'ADIRP du RhĂŽne, que je reprĂ©sente ici, est la dĂ©clinaison dĂ©partementale. 


Marcel BLOCH, quant Ă  lui, reprend ses activitĂ©s aĂ©ronautiques. En 1946, souhaitant tirer un trait sur ses annĂ©es de calvaire, il dĂ©cide de changer de nom. Pour cela, il choisit le pseudonyme que son frĂšre utilisait dans la rĂ©sistance, dĂ©sormais il s'appellera Marcel DASSAULT et fabriquera plus tard des avions prestigieux qui sont les mirages ou le rafale. 


Tirer un trait ne veut pas dire oublier : dÚs 1945, il soutiendra financiÚrement la toute jeune FNDIRP et son entreprise sera la seule en France à compter dans ses effectifs 4 compagnons de la libération et 187 anciens hauts responsables de la résistance.



J'ai choisi cet exemple pour montrer, surtout aux jeunes gĂ©nĂ©rations ici prĂ©sentes, que dans les cas dĂ©sespĂ©rĂ©s oĂč l'urgence commande d'agir, le peuple de France, dans sa diversitĂ©, sait mettre de cĂŽtĂ© ses diffĂ©rences politiques, religieuses ou sociales pour s'unir fraternellement dans le combat jusqu'Ă  la victoire. 


Les camps de concentration et d'extermination ont fait 12 millions de morts dont 6 millions de juifs. 


150 000 français (5 fois la population de Villefranche) ont Ă©tĂ© dĂ©portĂ©s pour des actes de rĂ©sistance au nazisme et autres raisons (main-d'Ɠuvre gratuite) seuls 60% en sont revenus, 75 000 français de confession juive ont Ă©tĂ© dĂ©portĂ©s seuls 3% sont revenus. 


Si nous voulons empĂȘcher ces abominations de se reproduire, nous devons propager autour de nous le devoir de mĂ©moire, nous battre pour que toutes ces victimes ne tombent pas dans l'oubli et que leur souvenir nous aide Ă  construire un monde meilleur. 


Maurice REY, né le 2/11/1917 à PINAY (Loire) et pÚre de Simone (Reneimoise et ancienne institutrice) démobilisé en juin 40, s'engage dans la résistance. Le 3 août 1944, alors qu'il transportait des armes pour le maquis de l'Azergues, il est surpris par une patrouille allemande. Torturé pendant une journée et une nuit, il a été fusillé au petit matin avec ses deux compagnons, au lieu-dit « La Fontaine » entre Anse et Villefranche.


Jacques BAGHDASSARIAN, né le 21/09/1912 à NALLOUHAN (Asie Mineure) et pÚre de Patrick (Maire de St Georges), mobilisé le 29/10/1939, fait prisonnier le 24 juin 1940 dans les Vosges interné au Stalag 2C, il s'évadera 7 fois. Il sera envoyé dans un camp disciplinaire à RAWA-RUSKA. Libéré par la SuÚde le 30 avril 1945, il obtient avec sa femme, la nationalité française le 8/10/1946.

[A la demande de Mr le Maire de St Georges, nous avons dĂ» cacher ce paragraphe]

Mme Marie LIEVRE, nĂ©e en 1897, fermiĂšre au lieu-dit « Les Tournelles » Ă  St Georges. Le 24 aoĂ»t 1944, surprise par les troupes allemandes qui refluent vers l'EST, elle est abattue dans le dos Ă  l'entrĂ©e du bois de Laye. La ferme sera pillĂ©e puis incendiĂ©e. Elle figure sur le monument aux morts avec la mention “MORT POUR LA France”.


Hommage à Marie LiÚvre du 26 août 2024 dans le bois de Laye


Emile BROCARD, nĂ© le 10 juillet 1900 Ă  St Georges, dĂ©portĂ© Ă  Buchenwald, il y dĂ©cĂšdera le 6 juin 1944, son nom est inscrit sur le monument aux morts. 


Elisa JANDAR, nĂ©e le 23 janvier 1899 Ă  St Georges, dĂ©portĂ©e Ă  RavensbrĂŒck le 28 avril 1943 sous le matricule 19260, dĂ©cĂšde en avril 1945 lors de l'Ă©vacuation du camp. 


Mme BESSON Paulette, nĂ©e en 1924, rĂ©sistante de l'armĂ©e secrĂšte, arrĂȘtĂ©e le 18/02/1944, dĂ©portĂ©e Ă  RavensbrĂŒck le jour de ses 20 ans, puis Ă  Bendorf dans les mines de sel, libĂ©rĂ©e en avril 1945 par les SuĂ©dois. 


Antoine BOUVIER, rĂ©sistant dans les forces armĂ©es jeunesse du groupe KLEBER, arrĂȘtĂ© le 7/12/1943, dĂ©portĂ© Ă  Neuengamme en mai 1944, libĂ©rĂ© par les Russes fin avril 45. Ils se rencontreront en 1945 et se marieront.


Paulette BESSON et Antoine BOUVIER se rencontreront en 1945 et se marieront.

Claudius COULON, franc-tireur, prisonnier de guerre, Ă©vadĂ©, fusillĂ© le 14 juillet 1944 par les Allemands Ă  Saint-Georges-de-Reneins." 


Retrouvez son nom sur le monument d'Emile Guyot et son histoire dans l'article du Blog citoyen en date du 1/12/2022.



"Toutes ces personnes ont droit Ă  notre respect et Ă  notre mĂ©moire collective.”


Pierre Magnaud, entouré de son fils Julien, son petit-fils Gabriel et de Sylvie EPINAT (vice présidente du Département)


Pour toutes informations complémentaires, vous pouvez contacter Pierre Magnaud au 06 70 36 44 06, ou envoyez un email à BlogStGeorges@gmail.com



Commentaires

  1. Le ProgrÚs du 27/4/2025 : Victimes et héros de la Déportation : « Soyons dignes de leur héritage »

    Une cĂ©rĂ©monie commĂ©morative Ă  l’occasion de la JournĂ©e nationale du souvenir des victimes et de hĂ©ros de la DĂ©portation s’est tenue ce dimanche 27 avril sur l’esplanade du Souvenir Ă  Villefranche-sur-SaĂŽne. Le Chant des dĂ©portĂ©s ou Chant des marais a ouvert la cĂ©rĂ©monie suivie de la lecture d’un rĂ©cit Ă©crit par Lili et Lucette Taguet, filles du grand rĂ©sistant caladois, Gabriel Taguet, en prĂ©sence de Michele Serna, fille d’Yvonne Margerit, hĂ©roĂŻne de la rĂ©sistance, emprisonnĂ©e Ă  la prison de Montluc. « Soyons dignes de leur hĂ©ritage : bĂątissons un monde de paix, de justice et de tolĂ©rance. » ...

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  2. Le Patriote du 6/6/2025 : Villefranche : la cité scolaire Claude-Bernard rend hommage à la Résistance

    L'établissement scolaire a organisé une cérémonie d'hommage à l'occasion de la Journée nationale de la résistance, le 27 mai dernier.

    Parfaitement organisée, sous l'égide de la direction de la cité scolaire et du cabinet du maire de Villefranche, cette cérémonie a été empreinte d'une dignité qui a saisi l'assistance et les autorités civiles et militaires présentes. Les élÚves de la cité scolaire Claude-Bernard ont pris une large part dans l'hommage rendu aux héros de la résistance, au gré de leur interprétation particuliÚrement réussie du Chant des partisans et de la lecture de textes célébrant le courage de celles et ceux qui, voici 80 ans, ont lutté contre l'occupant ...

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  3. Commentaire de Stéphanie Bouvier, petite fille d'Antoine et de Paulette Bouvier, originaire de Saint-Georges-de-Reneins, extrait de la page Facebook de l'UNC.

    Merci pour cette belle publication. Je rebondis sur une partie de l'article. En effet, ma grand-mĂšre Paulette Bouvier a trĂšs souvent dit que tous les allemands n'Ă©taient pas forcĂ©ment des nazis. "Ses gardes allemands en camp" donnaient leurs plateaux repas aux concentrĂ©s en cachette. Certains Ă©taient lĂ  par obligation, pas par conviction ou par envie. C'est ce que je retiens de cette pĂ©riode. Effectivement, mamie a travaillĂ© dans les mines de sel avec tellement d'autres... Papa a encore un Ă©chantillon dans une petite fiole rapportĂ©e de RavensbrĂŒck. Ce qui l'a sauvĂ© Mamie c'Ă©tait sa jeunesse et qu'elle Ă©tait en capacitĂ© de travailler... Pour finir, Antoine et Paulette parlaient toujours de cette pĂ©riode avec beaucoup de pudeur sans se considĂ©rer comme des hĂ©ros...

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