Dans le numéro d’avril 2025 du St Georges infos (“AIDONS LE MARCHÉ”), face à la situation préoccupante de notre marché, monsieur le Maire et le président de l’UCA, également élu local, en appellent à l’aide des habitants, affectant à demi-mot à leur faible fréquentation les causes de l’échec.
Mais les habitants peuvent aussi expliquer leur faible fréquentation du marché par une insuffisante variété des vendeurs !
Il y a dans cette double explication, le problème bien connu de la poule et de l’œuf. Il est au cœur du développement ou de l’échec des plateformes que nous sommes désormais habitués à utiliser pour acheter un livre, un disque, commander un repas ou réserver une nuit d’hôtel, voire tout simplement payer nos achats avec notre carte de paiement !
Si les plateformes qui ont désormais envahi nos actes quotidiens, survivent malgré la concurrence forte qui les anime, c’est qu’elles ont su, à l’image de Facebook, trouver les stratégies adaptées pour atteindre la taille critique à partir de laquelle elles entrent dans un cercle vertueux de croissance.
Nous pourrions peut-être tirer quelques enseignements de ces pratiques pour revitaliser notre marché local, quand bien même comme toutes les plateformes sur internet, il est concurrencé à courte distance par les marchés de Belleville en Beaujolais, de Montmerle sur Saône voire de Villefranche sur Saône !
La plateforme de marché : un intermédiaire qui génère une double externalité
Notre marché local, comme toute plateforme, est un intermédiaire (un espace public géré par la municipalité), qui met en relation deux faces (on parle de plateformes bi faces), des acheteurs et des vendeurs. La participation de chaque acteur appartenant à chacune de ces faces apporte une valeur ajoutée par son adhésion à la plateforme (on parle d’externalité), mais chaque adhésion supplémentaire incite d’autres membres de chacune des faces à y adhérer.
La particularité des plateformes bi faces est précisément qu’elles développent deux types d’externalité de réseau. En effet, chacune des faces génère tout d’abord des externalités de réseau intra-groupe de type « clubs ».
De quoi s’agit-il ?
Chaque vendeur comme chaque acheteur trouvera d’autant plus d’intérêt à y adhérer que chacun d’entre eux pense qu’il pourra profiter de cet intermédiaire pour y rencontrer nombre de ses homologues.
C’est le principe de l’association. Ainsi, prendre un abonnement téléphonique n’a d’intérêt que si d’autres adhèrent au réseau. Chaque adhérent supplémentaire augmente le nombre d’interactions possibles et offre gratuitement une valeur ajoutée au service par sa seule adhésion. Il s’agit d’une externalité en ce sens qu’une action individuelle apporte non seulement un intérêt à son émetteur mais contribue gratuitement au bien-être collectif par son adhésion.
Au-delà de l’acte d’achat, le marché est en premier lieu un endroit où les habitants peuvent échanger, dialoguer, enrichir leurs connaissances
Les acheteurs peuvent communiquer entre eux et les vendeurs peuvent faire de même. La plateforme de marché produit donc un premier type d’externalités directes dites « intra-groupe », propre à chacune de ses faces.
Attirer les deux faces de la plateforme consiste en priorité pour l’intermédiaire (dans notre exemple la municipalité) à aménager les infrastructures publiques sur le lieu du marché de telle sorte que chacune des faces, acheteurs comme vendeurs, trouvent un intérêt, au-delà de l’acte d’échange à s’y déplacer.
Mais si l’on se concentre désormais sur l’échange entre les deux faces de la plateforme, ce qui est le but initial du marché, chaque arrivée d’un des membres d’une face génère une autre externalité plus importante encore car elle est à la base du principe de tarification des plateformes. C’est ce que l’on appelle une externalité de réseau indirecte ou encore « inter groupes ».
En effet, tout acheteur supplémentaire à un pouvoir d’attraction sur l’arrivée de nouveaux vendeurs. De même, tout vendeur supplémentaire qui adhère à la plateforme augmente la variété des produits ce qui attire plus d’acheteurs. C’est ce mécanisme de contamination inter groupes qui dynamise par un effet multiplicateur, le développement d’une plateforme et lui permet d’atteindre sa taille critique et son décollage.
Une stratégie tarifaire asymétrique
Pour accélérer ce processus de création de valeur, les plateformes ont l’habitude de mettre en place une tarification asymétrique. Elle consiste à subventionner la face qui produit le plus d’externalités indirecte (lui faire payer un prix plus faible que le coût voire lui assurer la gratuité d’accès) et à « charger » le prix de la face qui consomme les externalités indirectes ou en produit peu (payer un prix au-dessus du coût).
C’est par ce mécanisme de tarification discriminante sur les deux côtés de la plateforme que depuis des décennies des générations de garçons payent leur entrée en boite de nuit (encore un exemple de plateforme) là où les filles bénéficient d’une entrée gratuite voire reçoivent en plus une boisson gratuite !
Le principe de parité revendiqué par la gente féminine trouve un sacré problème à résoudre face à cette rationalité économique qui justifie une discrimination « genrée » des prix.
C’est également par ce mécanisme de subventions croisées que la presse en ligne est gratuite pour ses lecteurs. Mais leur entrée massive attire des annonceurs publicitaires qui eux manifestent une disposition à payer pour accéder à cette population de lecteurs sur la plateforme.
Mais on remarquera dans cet exemple, que trop de publicité tend à dissuader les lecteurs même lorsque le tarif est nul.
Retenons cette leçon. Trop de nuisances sur un marché local peuvent enrayer le mécanisme de développement du marché en apportant des externalités négatives
Sur notre marché local, le même mécanisme s’applique. Il y a gratuité pour les acheteurs alors même qu’ils génèrent un coût d’usage de la place publique (l’entretien du bien public a un coût !), lequel est donc subventionné par la commune. Mais les vendeurs eux paient un tarif pour leur place de marché. Ils sont d’autant plus prêts à payer ce prix qu’ils bénéficient de la présence des acheteurs sur la plateforme….du moins si ceux-ci ont trouvé un intérêt à s’y rendre.
L’adhésion à Facebook, à Ebay, à Amazon est gratuite pour l’acheteur mais chaque vendeur qui adhère à ces plateformes paye un tarif fixe (abonnement) ou à la transaction. Subventionner la face qui génère le plus d’externalités indirectes (inter groupe) est le principe de base du dynamisme et de la survie d’une plateforme.
Malheureusement lorsque, faute d’une stratégie adaptée, un marché comme celui de St Georges est devenu atone et désertique (plus d’acheteurs et plus de vendeurs), c’est toute la chaîne de valeur des externalités indirectes qu’il faut reconstruire
L’habitant de St Georges (y compris certains élus locaux) préfère alors se déplacer le dimanche à Montmerle car à peu de distance, il trouve un marché dynamique offrant une variété de produits et des services associés qui l’incite à se déplacer. Cet afflux de nouveaux consommateurs amène les producteurs locaux à s’implanter sur le marché de Montmerle plutôt que sur celui de St Georges.
15 vendeurs à Montmerle contre 3 à St Georges !
Les 3 principaux producteurs vendeurs de St Georges présents les samedi matin de 7h à 12h (fromage, primeur, viande, non identifiés sur le site de la Mairie de St Georges)
A terme, le vendeur moribond de St Georges ne trouvant plus de clients va tout naturellement lui aussi se déplacer vers le marché de Belleville ou de Montmerle où les municipalités ont su mettre en place ces incitations pour retenir acheteurs et vendeurs ! D’autres producteurs choisissent d’ouvrir une boutique, ou à proximité ou en ligne …
Demander aux habitants de St Georges de faire preuve de solidarité relève d’une vision étriquée du mécanisme spécifique qui anime une plateforme
En réalité, il appartient à la plateforme, en l’occurrence à la municipalité, de mettre en œuvre les incitations pour relancer le mécanisme de double externalité que nous venons de décrire.
Mais comment mettre en place des incitations non tarifaires ou comment subventionner les acheteurs voire les vendeurs ?
La réservation d’une nuit d’hôtel, d’un dîner au restaurant, l’achat d’un bien sur internet met en concurrence un grand nombre de plateformes. Dans ce contexte de concurrence féroce dans l’offre d’un même service, que font les plateformes numériques pour fidéliser leurs acheteurs, producteurs d’externalités inter groupe nécessaires à leur survie ?
Le principe de la gratuité sur la face la plus attractive ne suffit pas toujours. Les plateformes doivent donc mobiliser aussi des initiatives non tarifaires pour apporter d’autres services joints appréciés par leurs usagers. La mise en place d’un système de réputation avec labellisation des vendeurs en fonction des avis déposés par les acheteurs ou l’ouverture d’une troisième face comme l’a fait Microsoft en permettant aux constructeurs informatiques d’installer son système Windows constituent quelques-unes des stratégies.
Les plateformes investissent également dans leur design pour attirer et fidéliser leurs acheteurs. Moteur de recherche spécifique (cf. ebay), système de paiements sécurisés (PayPal), facilité d’accès à la variété des produits par recours à l’intelligence artificielle via les algorithmes constituent quelques exemples dans ce domaine.
Enfin la gouvernance de la plateforme peut agir pour réguler la qualité des produits ou offrir des gammes de produits adaptés à une clientèle spécifique.
Amazon premium augmente la variété des services à certains usagers (livraison gratuite, adhésion à un service de streaming) contre le paiement d’un abonnement. Avec un peu d'imagination, toutes ces stratégies sont transposables au sauvetage de notre plateforme de marché local !
Au-delà d’une offre d’infrastructure d’accueil (fluidité de la circulation, espace de stationnement, sanitaires, signalétique, plan du marché, zone exclusivement piétonnière …) le marché local doit être attractif pour les acheteurs par l’animation conviviale qu’il pourra y trouver (la troisième face !).
La maîtrise municipale du marché est un atout des gouvernances des communes pour faire preuve d’initiative et d’originalité
Elles peuvent par exemple aider les associations, par l’accès à des infrastructures adéquates dédiées, à attirer le chaland les jours de marché. Développer des lieux de convivialité à proximité du marché où les acheteurs et les vendeurs pourront aussi échanger, déguster une spécialité locale tout en écoutant un concert, visiter une exposition, rencontrer une association, participer à l’animation des conscrits ou permettre aux enfants de se distraire dans un espace dédié.
Attirer une clientèle jeune passe par des incitations adaptées
Organiser des manifestations attractives les jours de marché (l’équivalent de la troisième face comme Windows !) et développer des synergies avec les événements de la commune (conscrits, foire artisanale, brocantes, expositions des associations etc…) font partie des stratégies de reconquête du marché local.
Il est non seulement passé aux oubliettes mais la commune a dû rembourser la subvention que le département lui avait accordée pour réhabiliter ce foyer municipal. Sa localisation près de la place du marché et au cœur des zones d’attraction du centre bourg était pourtant un atout indéniable pour assurer le décollage du marché local du samedi. Il avait même été avancé, au détour d’un chiffrage hasardeux réalisé sur le coin de la table, que cette proposition n’était pas viable financièrement pour les vendeurs !
Au vu de la situation actuelle de notre marché n’a-t-on pas ce jour-là jeté le bébé avec l’eau du bain ?
D’autres actions pourraient être menées :
Accueillir d’autres producteurs complémentaires (traiteur, vins, fleurs, rempaillage, marché de la création éphémère, bijoux, bougies, …)
Permettre aux vendeurs de moderniser leurs systèmes de paiement par un accès internet gratuit le jour du marché.
Développer la périodicité du marché en organisant en saison estivale des marchés nocturnes en lien avec une animation visant une clientèle plus ciblée (cf. le marché nocturne de Fleurie).
Permettre aux acheteurs et aux vendeurs de manifester leurs avis, leurs promotions et leurs commandes sur un site dédié afin d’assurer une amélioration régulière des conditions d’accueil.
Construire sur le site internet de la mairie une page consacrée au marché serait un minimum actuellement non assuré.
Dans le contexte de morosité spécifique dans laquelle l’inaction a plongé le marché de St Georges, il faudra peut-être aussi se contraindre à subventionner les vendeurs. Leur assurer une gratuité d’accès temporaire à une place de marché, pourrait contribuer à augmenter la variété de produits ce qui attirera plus d’acheteurs et amorcera un redémarrage de la dynamique que nous avons décrite plus haut.
Enfin il appartient peut-être aux élus locaux qui pointent du doigt une solidarité insuffisante des habitants vis-à-vis de leur marché local, de montrer l’exemple plutôt que de leur jeter la première pierre !

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