Raymond Billiard, érudit Beaujolais et Reneimois 📖


Adhérente à l'Association Histoire et Généalogie en Beaujolais, Joëlle Levêque ne manque pas d'idées pour alimenter nos articles patrimoniaux. C’est le tour d’un historien né à St Georges en 1869 et qui a su “exposer le résultat de ses recherches dans une langue à la fois si pure, si riche et si colorée et avec une telle simplicité, un tel dépouillement, constituait pour l'esprit un véritable régal” … Extraits du livre “Jadis en Beaujolais” de Justin Dutraive, secrétaire perpétuel honoraire de l’Académie de Villefranche.

Sa jeunesse 


Raymond Billiard est né à Saint-Georges-de-Reneins le 5 juin 1869. Son père était négociant en vins, son grand-père aussi. Celui-ci souvent achetait le vin de Lamartine à Saint-Point et Raymond aimait à rappeler que lorsque son grand-père se présentait à Lamartine, le poète lui disait : 


Pas moins de mille pièces !


Un peu à la manière de Xénophon, mille pour lui était un nombre magique. 

Son enfance, il la passe dès 1870 à Lyon dans le quartier de Serin où il fréquente l'école enfantine, chez les Frères. Ensuite au lycée brillant élève, il fit ses études classiques, solides suivant l'expression consacrée, où le grec et le latin avaient la plus belle part, puis à la Faculté de Droit, il obtint aisément sa licence. Mais sa santé l'obligea à habiter la campagne au grand déplaisir du Doyen Caillemer qui le poussait au doctorat. C'est bien regrettable, lui disait-il : 


Il vaut mieux un âne vivant qu'un savant mort.


Puis, il devint clerc d'avoué. 

Il avait fait son volontariat au bataillon de Chasseurs à pied à Montbéliard en 1888, pour ne faire qu'un an. Il avait été nommé sous-lieutenant en 1890, lieutenant en 1892 et capitaine en 1898. 

C'est avec ce grade qu'il fit la Campagne de France et la Campagne d'Italie, il commandait la Compagnie de mitrailleuses du 4 Bataillon de Chasseurs Alpins. Il participa aux attaques du Monte Tomba ce qui lui valut la Croix de Guerre.



L'historien et le viticulteur


Le premier ouvrage qu'il fit paraître est “Les Abeilles et l'Apiculture dans l'Antiquité", d'après des auteurs grecs ou latins. On ne doit pas oublier qu'il traduisait les langues mortes à livre ouvert. Cet ouvrage fut édité à Lille en 1900 et traduit en allemand et en roumain. 


"La vigne dans l'Antiquité" suivit ; ce fut son ouvrage principal. Le sujet intéressait très vivement Monsieur Georges Protat de Mâcon qui en a beaucoup facilité la parution. Cette œuvre énorme grand in-quarto de 560 pages, 181 gravures dans le texte et 16 planches hors-texte fut préfacé par Viala, Inspecteur Général de la Viticulture française. Couronné par l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres (Prix Bordin 1914) par l'Académie d'Agriculture (Médaille d'Or), par l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Lyon, par la Société des Viticulteurs et Ampélographie de France, etc …


Vers 1907, 1908, Monsieur Billiard fit plusieurs séjours d'un mois à Rome. Le Directeur de la Procure Saint-Sulpice, condisciple d'un prêtre lyonnais, lui avait facilité ses recherches à la Bibliothèque Vaticane où il pouvait avoir ses entrées. C'est là qu'il puisa la documentation fondamentale de cet ouvrage qui ne parut chez Lardanchet qu'en 1913. 

Tiré à 1 000 exemplaires, traduit en 33 langues, la vente en fut cependant difficile, intéressant peu les Lyonnais, le plus grand nombre fut acquis par Victor Vermorel qui les remettait à titre de cadeau à ses clients d'Amérique. 


A cette époque aussi, Monsieur Billiard se lia d'amitié avec le Maire de Florence, il venait l'accueillir à Rome, c'est lui qui le fit élire membre de l'Académie Royale d'Italie, l'égale de notre Académie Française. Le Pape Pie X l'avait reçu en audience particulière. 


En 1912, Monsieur Billiard a été chargé de mission en Afrique du Nord au titre du Ministère de l'Agriculture. 


Les ouvrages de Raymond Billiard



  • L'ABEILLE ET L'APICULTURE DANS L'ANTIQUITÉ, d'après les ouvrages des auteurs grecs et latins, avec gravures, 1900. Cet ouvrage a été traduit en allemand et en roumain.

  • LA VIGNE DANS L'ANTIQUITÉ, ouvrage 560 pages, avec 181 figures dans le texte et 16 planches hors texte ; préface de M.P. VIALA, Inspecteur général de la Viticulture française. Lyon,LARDANCHET,1913.

  • L'AGRICULTURE DANS L'ANTIQUITÉ, d'après Les Géorgiques de VIRGILE, ouvrage de 540 pages, avec 84 figures dans le texte et 6 planches hors texte en phototypie, reproduisant les miniatures du manuscrit de VIRGILE de la Bibliothèque vaticane, Paris, de BOCCARD, 1928. Ouvrage Couronné par l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres (Prix BORDIN 1929) et honoré d'une souscription du Ministère de l'Instruction Publique.

  • LES GÉORGIQUES DE VIRGILE, texte et traduction. Préface de Pierre de NOLHAC, de l'Académie Française, Paris, PLON. Ouvrage couronné par l'Académie Française (Prix Jules JANIN 1932).

  • LES BUCOLIQUES DE VIRGILE, traduites de latin en français, avec une introduction et des notes, et 13 gravures sur bois hors texte de 1502, Paris, PLON,1934.

  • LETTRES DE GUERRE D'UN CHASSEUR ALPIN, parole du Capitaine Raymond BILLIARD, du 4e Bataillon de Chasseurs Alpins territorial, Villefranche, «Réveil du Beaujolais», 1922.

  • LA DÉSERTION DES CAMPAGNES DANS L'EMPIRE ROMAIN. Discours de réception à l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Lyon, 1924.

  • VIGNERONNAGE ET VIGNERON BEAUJOLAIS, notice historique, juridique et sociale éditions du Cuvier, J. GUILLERMET, Villefranche-sur-Saône, 1938.

  • VIEILLES COUTUMES, VIEILLES TRADITIONS, VIEUX SOUVENIRS BEAUJOLAIS, avec des illustrations de Luc Barbier, ont été préfacés par Louis Mercier. Éditions du Cuvier, chez Jean Guillermet, 1941.

  • TROIS SIÈCLES DE LA VIE DE NOS ANCÊTRES BEAUJOLAIS, XVIe, XVIIe, XVIIIe SIÈCLES avec des illustrations de Broyer paru chez Jean Guillermet en 1945.

Le traducteur


Dans “Les Odes et les Epodes d'Horace” Ramond écrit « Admirateur d'Horace autant que de Virgile, j'ai voulu traduire Horace non pour les savants mais pour les personnes qui n'ont pas fait de latin et pour les hommes cultivés qui, en ayant fait, n'en ont gardé peut-être qu'un souvenir lointain, pour tous ceux qui ont le goût des œuvres de l'antiquité et qui sont beaucoup plus touchés par la grâce des Odes d'Horace que par les curiosités linguistiques qu'on peut en relever. Voilà pour quelles raisons j'ai délibérément banni le texte latin de ce travail. » 



Chaque année, le printemps venu, il revenait à Charentay non loin de la Vauxonne, où il retrouvait la maison de famille. 

Ma vieille maison, écrivait-il, a bien des sœurs dans le pays, cependant elle est la seule qui compte à mes yeux ; je ne la trouve ni banale, ni vulgaire, mais sa simplicité ne manque ni de caractère ni de personnalité. Elle est sans prétention. Pour la bien comprendre, il faut l'aimer et pour en bien parler, je voudrais être poète.”



Et Billiard d’écrire quelques notes savoureuses à propos des jeunes dames autour des lavoirs : “Évidemment, on voit mal même nos jeunes beaujolaises se livrant au plaisir d'une partie de ballon... Mais ce qu'Homère ne dit pas, mais ce qui existait et qui a survécu, dès le travail commencé les langues se déliaient; et, propos ailés et gaillards assaisonnés de potins de village, de commérages dont les voisins et plus encore les maris sortaient assez mal en point.”

O rives de la Vauxonne, combien en avez-vous entendu ?

Les dernières années de Raymond Billiard


Octogénaire, il aurait pu encore écrire : “J'ai gardé la fraîcheur de mes yeux de vingt ans, mon âme aux quatre vents ne s'est pas défraîchie.


A 87 ans, vaincu par une thrombose coronaire, qu'il appelait son trombone, il s'est éteint dans sa propriété Charon à Charentay, le 26 octobre 1956. 

A ses funérailles, de l'éloge prononcé par Monsieur le Professeur Tagand de l'Académie de Lyon, nous détachons ces quelques lignes : 


Le viticulteur professionnel qu'était devenu Raymond Billiard était un homme d'une valeur exceptionnelle, un très fin lettré, à la culture aussi vaste que solide, un érudit qui citait Aristote, Eschyle, Euripide, Cicéron, Ovide, Columelle, Pline le Naturaliste, qui connaissait tout ce qui se rapporte à son cher Virgile ... 
L'entendre exposer le résultat de ses recherches dans une langue à la fois si pure, si riche et si colorée et avec une telle simplicité, un tel dépouillement constituait pour l'esprit un véritable régal. 
Notre confrère a étudié la littérature antique non seulement en archéologue, en érudit, mais encore avec son expérience, sa compétence étendue de praticien rural. 
Il est des accents qui ne trompent point, on sent que son œuvre a manifestement pris racine dans l'amour de la nature, elle est traversée par un souffle large et puissant qui nous apporte la vivifiante odeur de la terre.”



Carte de Blaheu, premier géographe régional 1590
(extrait du livre “Jadis en Beaujolais” de Justin Dutraive)

Une rue Raymond Billiard à Villefranche

Le 8 novembre 1969, Monsieur Justin Dutraive membre de l'académie de Villefranche, fît une demande pour que, face au Beaujolais, une rue de la ville porte le nom de l'homme d'esprit Reneimois.    
Reconnaissante, la commune de Villefranche-sur-Saône, a donné le nom de Raymond Billiard à l’une de ses rues ; cliquez ici.


Si vous aussi, vous avez des histoires, des illustrations anciennes ou un devoir de mémoire à partager, écrivez nous sur BlogStGeorges@gmail.com 


Commentaires

Enregistrer un commentaire

Si votre commentaire n'apparait pas, vous pouvez adresser votre message à BlogStGeorges@gmail.com