Interview croisée des rédacteurs du blog


Après Chloé, Sylvie et Yamina, voici l’interview croisée des 3 principaux rédacteurs du blog. Jean-Yves Lesueur, Jérôme Perret et Olivier Chastand se livrent à l’exercice … Bonne lecture !

Bonjour à vous trois, pouvez-vous vous présenter ?

Jean-Yves Lesueur. J’ai 63 ans, j’habite à St Georges depuis 2006, je suis marié et j’ai deux enfants dont l’un marié vit à New-York et l’autre, célibataire vit à Jullié dans notre Beaujolais. Je suis professeur de sciences économiques à l’Université de Lyon et j’assure mes activités d’enseignements et de recherche à l’université Lumière Lyon 2 et à l’université Claude Bernard Lyon 1. Mes domaines de spécialités sont l’économie du travail et la prévention santé. Je suis rattaché à deux laboratoires de recherche, le Groupe d’Analyse et de Théorie Economique du CNRS à Ecully, le Laboratoire de Sciences Actuarielle et Financière de Lyon 1 à Gerland et je suis membre de la Chaire en prévention santé Prevent’Horizon.

Jérôme Perret.J’ai 60 ans (“vive la 9”) et j’habite dans le quartier du Gaget depuis 5 ans. En couple, nous avons 6 grands enfants à nous deux et j’ai 4 petits enfants. Je travaille (et “télé-travaille”) sur des projets informatiques dans un groupe privé Français.

Olivier Chastand.J’ai 51 ans, j’habite Le Party. Marié, deux enfants, je suis en pleine création d’une nouvelle activité, hélas suspendue par le confinement. Je suis opticien à domicile et j’ai une clientèle importante de personnes fragiles que j’ai préféré ne pas visiter, tant que je ne serais pas adéquatement équipé ce qui devrait être OK pour le 11 mai...

Tout d’abord, comment allez-vous ?

JYL.  Je vais bien ainsi que mes proches. Ceux qui dans notre famille outre atlantique ont été touchés par le Covid-19 en sont maintenant guéris.

JP.Tout va bien merci, à la maison et dans notre grande famille.

OC.Tout le monde va parfaitement bien à la maison et parmi nos proches, merci.

Comment occupez-vous vos journées ?

JYL. En temps normal, une partie des activités d’un enseignant-chercheur (la recherche notamment) se poursuit à domicile aidé par les outils numériques qui nous mettent en liaison permanente avec les revues internationales, les collègues et les doctorants. Le confinement m’a finalement amené à développer plus qu’à l’ordinaire cette activité professionnelle en ligne. J’ai dû mettre en place mes enseignements et mes examens sous de nouvelles formes (tchat, classe inversée, visio-conférences, QCM en ligne, oraux à distance…) et poursuivre mes activités de recherche, d’encadrement doctoral et de responsabilités collectives également en visio-conférence. Le confinement m’a également permis de pouvoir passer plus de temps à la lecture d’articles, à la rédaction et révisions d’articles en cours et à orienter une partie de mes travaux en prévention santé sur le Covid 19 et ses conséquences. Ayant la chance de disposer d’un jardin j’ai pu agréablement compléter par une activité physique cette activité intellectuelle !

JP. Le confinement depuis le lundi 16 mars nous a contraint au télétravail. Heureusement, notre Groupe et la plus part des collaborateurs concernés étaient préparés. Les outils collaboratifs et de communication déployés par nos équipes projets quelques semaines avant, ont pu ainsi être adoptés plus vite que prévu. Les autres projets de digitalisation de l'entreprise suivent leur cours à peu près normalement. Pour les loisirs, les sorties et la vie associative, ça été un sacré coup d’arrêt. Pour autant, cela nous invite à nous concentrer sur l'essentiel, la réflexion sur nous-même et nos projets de vie.

OC.Après une période de folles activités pendant laquelle nous avons pu nous pencher sur tout ce que nous n’avons pas le temps de faire habituellement, tous les petits travaux repoussés, nous nous préparons à la reprise d’activité. Les nombreuses incertitudes qui entourent celle-ci ne facilitent pas les prises de décisions mais nous tentons d’anticiper au mieux. Nos journées ont été bien occupées, par quelques heures de travail, du jardinage et du bricolage. Nous avons la chance d’avoir un terrain qui nous permet de bien supporter ce confinement. Je passe aussi régulièrement aider mes parents qui sont âgés.

Que faites-vous aujourd’hui, que vous ne faisiez pas hier ?

JYL.J’applique les gestes barrières et le confinement, conscient que je suis de l’utilité de ces mesures. Les conversations par WhatsApp ou Skype se sont fortement étendues. Avec plus de temps, j’apprécie chaque jour plus qu’hier les choses simples de la vie, les plaisirs de la nature, le jardinage, la lecture, les relations de voisinage et la qualité de nos produits locaux.

JP. On rêve tous un jour de faire ce que l’on ne fait jamais, pour différentes (ou mauvaises) raisons. Et c’est souvent par la contrainte que l’on fait de nouvelles choses. Ma philosophie m'entraîne aussi à transformer la difficulté en opportunité. Le temps libéré (et si précieux) m’a permis entre autre et avec plaisir, de me mettre un peu plus à “la cuisine”, de retrouver quelques morceaux choisis au piano et d’échanger davantage avec mes proches (certes, par écran interposé).

OC. Il est sûr que cette période nous a permis de nous retrouver en famille et de resserrer les liens qui nous unissent. Les enfants ont beaucoup de travail personnel et cette nouvelle organisation, cette nouvelle expérience a été très bénéfique.

Quelles sont les actions d’entraide, de partage ou de solidarité, que vous avez réalisé ou que vous souhaitez mettre en œuvre ?

JYL. Avec mon épouse nous avons développé les actions d’entraide avec nos voisins proches, renforçant encore plus une qualité de voisinage qui fut toujours excellente dans notre hameau du Gandoger depuis notre arrivée. Privilégier dans notre consommation quotidienne les produits locaux et répondre aux initiatives locales des restaurants qui ont mis en place un service drive, a également fait partie de notre effort de solidarité envers ceux qui au niveau local subissent le plus durement les conséquences économiques de cette crise sanitaire.

JP. Je suis sensible à la vie associative et aux échanges de ressources de toute nature. Comme l’information utile et sa circulation entre personnes concernées, les dons à des œuvres médicales et éducatrices, les achats de produits Reneimois... J’ai proposé aussi mes services à notre Maire, pour par exemple, la distribution de masques au domicile des habitants.

OC.Dès le premier jour, j’ai aidé un ami restaurateur à mettre son restaurant à l’arrêt. Nous avons aussi distribué gratuitement des pizzas aux personnes qui le désiraient en utilisant son stock qui, de toute façon, était perdu. Un moment étrange que celui de fermer une entreprise sans savoir où cela va mener. J’essaye de rester en contact avec de nombreuses personnes, étant actif dans différentes associations. Prendre des nouvelles des uns et des autres, partager les informations, s’enquérir des besoins me semble un minimum. Lorsque je vais faire des achats je fais le tour des plus fragiles qui essayent de limiter leurs déplacements.

Quels sont, malgré tout, les effets positifs d’une telle expérience ?

JYL. Au niveau professionnel et assez paradoxalement j’ai pu être plus proche de mes étudiants…pendant les cours à distance ! Mettre en place une méthode de classe inversée offre une autre forme d’enseignement (par rapport au cours magistral en amphi) qui permet via les questions des étudiants d’avoir une meilleure perception des difficultés qu’ils rencontrent. Au niveau personnel, moins de stress, moins de temps perdu en déplacements domicile-travail ou entre sites sur Lyon, permettent de travailler plus efficacement avec des horaires flexibles et l’utilisation de nouveaux logiciels de travail en équipe. J’ai également pu savourer ce que pourrait être un environnement moins bruyant, moins pollué. Enfin j’espère que cette crise sanitaire aura permis d’établir, via l’actualité, plus de liens entre le citoyen lambda et le milieu scientifique souvent trop hermétique et enfermé dans son vocabulaire technique !

JP. Il y a des oiseaux dans notre jardin, que nous n’avions jamais vraiment vu, ni entendu ! Cette période de confinement me rappelle un peu mon année de service militaire (obligatoire à mon époque 82.02). On apprend à être patient, à s’occuper et à apprendre le plus de chose possible… le tout, à son rythme !

OC. Comme je le disais, cette séparation des différentes cellules sociales par le confinement nous a sans aucun doute rapprochés. De vraies valeurs ce sont remises au premier plan. Nous pensons plus à ceux qui nous entourent directement mais aussi indirectement. Nous cherchons à faire travailler nos producteurs locaux qui ne manquent pas sur Saint-Georges, nous avons cette grande chance. J’espère juste que ces mêmes valeurs resteront à l’avant de nos priorités à l’avenir.

Un dernier commentaire ?

JYL. J’en ferai trois ! Le premier est que j’ose espérer que cet épisode douloureux aura fait prendre conscience à beaucoup de nos concitoyens que nous avons la chance de vivre dans un pays où nos institutions ont mis en place un système de santé, un système de protection sociale et de prévention qui bénéficie au plus grand nombre. Les comparaisons internationales du triste bilan du Covid 19, nous permettent d’ores et déjà de percevoir son avantage comparatif. Le deuxième est que derrière ces institutions il y a des femmes et des hommes en blancs qui comme les policiers et les gendarmes au lendemain des attentats meurtriers, sont aujourd’hui chaque soir applaudis et remerciés. Sachons conserver durablement en mémoire ce respect de nos institutions. Enfin le dernier commentaire s’adresse à ceux, certes minoritaires, qui s’insurgent contre la privation de liberté individuelle imposée par le confinement. Une étude scientifique menée par trois bio-statisticiens français vient de montrer qu’en l’absence de confinement lors du premier mois, nous aurions enregistré 61 000 décès supplémentaires et un flux d’admission en réanimation de plus de 104 000 personnes supplémentaires pour détresse respiratoire ! La liberté individuelle sans limite en matière de santé a un prix en vie humaine pour la collectivité, ne jamais l’oublier non plus.

JP.Cette crise, comme d’autres, a aussi de bons côtés. Certes, elle est très difficile à vivre pour de nombreuses personnes et entreprises. Elle nous aide aussi à nous transformer et à catalyser nos énergies positives. Je le constate avec l’adoption accélérée des outils digitaux et aussi, et surtout, avec “nous-même”. Cette crise “nous parle”, parle de nous, à nos familles et à nos amis. Chacun vit cette crise différemment, et à la reprise (car il y aura une reprise) chacun voudra garder son rythme et sa différence que tous nous devrons respecter et apprécier.

OC. Je tiens à remercier, même si ce n’est pas original, tous les corps de métiers qui permettent à ce que ce confinement se déroule si bien : les acteurs de santé, les gendarmes, les policiers, les éboueurs, les facteurs, les transporteurs, ceux qui assurent que nous ne manquons pas d’énergie, de moyens de communication, bref tous ceux qui dans l’ombre veillent sur nous.



Commentaires