Extension de la carrière VICAT vers Natura 2000


Au sud de St Georges, entre la Saône, l’autoroute et Arnas, la Société VICAT projette une extension de sa carrière vers une zone protégée du réseau Natura 2000. Cette carrière du Pré de Joux est accessible à pied en lien avec le marais de Boistray et fait partie des 26 sites du Géoparc Beaujolais labellisé par l'UNESCO. Jean-Louis ROUX, nouveau membre Reneimois du comité de rédaction du Blog et ancien directeur des services du Ministère de l'environnement, nous présente les éléments du projet, les enjeux et les impacts potentiels.

La société Vicat qui commercialise des granulats (sable et gravier pour le secteur du BTP), a présenté un projet d’extension de carrière qui risque d’impacter durablement l’environnement d’Arnas et de la bordure Sud de St Georges de Reneins.
Au moment où le dossier doit être mis en consultation préalablement à l’acte d’autorisation, il est bon de s’interroger sur les incidences du projet dans notre environnement et sur notre propre responsabilité de citoyen. Afin d’éclairer la majorité d’entre nous qui ne sommes pas spécialistes de ces questions, voici une brève présentation des règles, des enjeux et de l’état d’avancement de ce projet.

Des visites du site peuvent être organisées

A quoi servent les sablières installées sur les bords de Saône ?


L’invention du béton et des mortiers de ciment, à la fin du XIXème siècle, a révolutionné l’art de construire. Réseaux routiers ou chemin de fer, ouvrages d’art et bâtiments nécessitent d’énormes quantités de béton fabriqué à partir de granulats de sables, graviers et granulats issus de roches concassées. Ainsi, chaque année en France, les travaux publics en utilisent près de 400 millions de tonnes soit environ 7 tonnes par habitant.



Par exemple, la construction d’un logement nécessite 100 à 300 tonnes de granulats, celle d’un km d’autoroute, près de 30 000 tonnes.
Or ces matériaux sont extraits de différentes carrières, et plus particulièrement dans notre région de ce qu’on appelle les sablières. Heureusement, les réserves de granulats (alluvionnaires comme chez nous ou massifs pour les roches concassées) sont quasiment illimitées. Cependant, beaucoup d’entre elles restent inexploitables pour des raisons diverses : inaccessibles, en zones urbaines, ou dans des sites classés ou protégés.

Notre propos n’est pas d’argumenter pour une opposition systématique aux ouvertures de carrières, mais d’éclairer le public sur les risques pour la santé et l’environnement. L’existence de ces risques justifie d’ailleurs les procédures d’autorisation (avec enquête publique) mises en œuvre par les pouvoirs publics.


Les mesures de protection des zones naturelles

Le réseau Natura 2000 est un outil fondamental de la politique européenne de préservation de la biodiversité. Les sites Natura 2000 ont été désignés pour protéger un certain nombre d’habitats et d’espèces représentatifs de la biodiversité européenne. En effet, la plupart des oiseaux, des insectes et des mammifères terrestres sauvages ont besoin de sites naturels spécifiques pour survivre, que ce soit pour le gîte (nids, terriers, fourmilières, etc…) ou pour leur alimentation (plantes, bois mort, insectes ou petits mammifères). C’est ce qu’on appelle leur « habitat ». Les espèces les plus rares subsistent parfois sur des espaces extrêmement réduits (par exemple, les tourbières pour la drosera ou certains papillons, les bord de falaise pour les aigles ; etc…).


La France compte près de 1800 sites, couvrant près de 13% du territoire terrestre métropolitain. La démarche du réseau Natura 2000 privilégie une gestion collective, équilibrée et durable des espaces en tenant compte des préoccupations économiques et sociales. Ainsi, les activités humaines et les projets d’infrastructure sont possibles en site Natura 2000 à condition d’être soumis à une évaluation préalable. Une éventuelle incompatibilité avec la charte définissant les mesures de conservation, peut motiver un refus d’autorisation. 

La zone Natura 2000 de St Georges s’étend sur 691 ha et concerne les prairies humides et forêts alluviales des bords de la Saône. On notera qu’elle englobe tout l’espace situé entre la Saône et l’autoroute dans sa partie Sud jouxtant Arnas (voir documents et cartes sur le site de la CCSB)

Par ailleurs, tout projet doit étudier l’incidence sur les zones humides. Selon le code de l’environnement, les zones humides sont des « terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire, ou dont la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année». (Art. L.211-1 du code de l'environnement).

La préservation des zones humides françaises constitue un enjeu environnemental considérable quant à la préservation de la biodiversité. Les milieux humides contiennent généralement un grand nombre d’espèces animales et végétales, parfois extrêmement rares. Avant la mise en œuvre de Natura 2000, celles présentant un véritable enjeu de protection avaient été classées en ZNIEFF (zones d’intérêt écologique, faunistique et floristique créées à partir de 1962) et dotées, comme les zones Natura 2000, d’un cahier des charges qui doit être respecté par les acteurs du territoire.

La procédure d’autorisation pour ouverture (ou extension de carrière)

On ne peut exploiter une carrière qu’à condition d’en maîtriser les impacts. Dans notre région, les carrières alluvionnaires posent le problème particulier de la fragilisation de la nappe d’eau susceptible d’être polluée et de sa plus grande sensibilité à l’évaporation. Elles empiètent ou côtoient souvent des zones naturelles faisant l’objet de mesures de protection (Natura 2000 ou ZNIEFF).
Depuis la loi n° 93-3 du 4 janvier 1993 relative aux carrières, ces exploitations relèvent de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Les conditions dans lesquelles elles peuvent être exploitées sont définies dans le code de l’environnement. Celui-ci reprend notamment l’arrêté ministériel du 22 septembre 1994 modifié qui fixe les conditions d’exploitation des carrières et impose d’en maîtriser les effets : risque de pollution des eaux, bruit, poussières, impacts sur la faune et la flore, impact visuel tant en cours, qu’en fin d’exploitation.

Vue panoramique depuis la berge de l'entrée du site

De plus, le projet doit être compatible avec les prescriptions du Schéma Régional des carrières qui définit les conditions générales d'implantation des carrières et les orientations relatives à la logistique nécessaire à la gestion durable des granulats, des matériaux et des substances non utilisées comme par exemple, les terres de découverte (la terre qu’il faut extraire et stocker avant d’arriver à la couche exploitable).

Le projet d’extension de carrière de la société VICAT

La société Granulats Vicat, spécialisée dans la production et la commercialisation de granulats, exploite une carrière  de 140 ha située à Arnas, entre l’autoroute A6 et la Saône (à gauche du chemin de Boistray en direction du rond-point de l’Ave Maria). Elle projette de l’étendre sur 24,5 ha supplémentaires. L’objectif de production de granulat vise à porter le tonnage annuel de 750 000 tonnes jusqu’à 1 000 000 tonnes. L’extraction devrait durer jusqu’à fin 2030


Le dossier de demande d’autorisation a été déposé par la société VICAT auprès de la DREAL (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement Auvergne-Rhône-Alpes) le 30 mars dernier. L’autorisation du projet pourrait avoir des conséquences néfastes sur l’environnement. Il est également susceptible de générer des nuisances pour les riverains.

La Mission régionale d’autorité environnementale a émis plusieurs réserves qui doivent nous interpeller. Tout d’abord, le projet affecte des zones humides et des espèces protégées. Or, l’étude d’impact fait l’impasse sur l’incidence notoire du projet sur les zones Natura 2000 qui jouxtent l’emprise et notamment sur l’habitat des espèces concernées. Par ailleurs, il ne comporte pas de bilan quant à l’impact sur l’émission des gaz à effet de serre. Il doit donc être complété et clairement argumenté.

Nous avons pris contact avec la Mairie de St Georges de Reneins qui a confirmé l’existence d’une grande zone de protection dans le cadre de Natura 2000 située entre la Saône et l’autoroute A6. Cette zone constitue un enjeu environnemental important pour notre commune et un atout au plan touristique. Nos élus y sont sensibles et l’utilisation d’une partie de cette zone en carrière de sable créerait une situation irréversible avec la disparition définitive des habitats des espèces sauvages concernées.

La Région stoppe les subventions aux sites Natura 2000

Le Patriote du 15 août 2022 nous a fait connaître “la décision de ne plus subventionner les zones Natura 2000 de la Région, même si elle date de mars dernier, a fait l’actualité au cœur de l’été marqué par la canicule et une sécheresse qui durentPour la CCSB (et en particulier son vice-président au développement durable Frédéric Pronchery), il faut absolument trouver un moyen de préserver les zones Natura 2000 ...

Au moment où notre planète subit la plus grande extinction des espèces sauvages que la terre ait jamais connu depuis la disparition des dinosaures, il est de notre devoir de citoyens de veiller au respect des règles de protection de la biodiversité, que ce soit au sein des zones humides dont notre région est riche (bords de Saône notamment), ou des zones spécifiquement identifiées pour la protection d’espèces menacées comme Natura 2000.

Dès que le dossier d’enquête publique sera disponible avec les études complémentaires demandées, nous pourrons nous rendre en Mairie afin de mieux appréhender l’impact de ce projet sur notre vie et faire connaître nos observations éventuelles notamment sur les aspects environnementaux et humains.

Le 30 août 2022, pelles, tombereaux et arroseuse sont en action sur la zone de la carrière existante !

Références :
En 2021, 44 tritons alpestres ont été observés dans quatre mares de la zone Natura 2000 prairies humides et forêts alluviales du Val de Saône Aval. [Le Patriote du 15 août 2022]




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