L’épouvantail oublié 🧙


« Lui qui debout ses bras en croix était si fier, des nuits et des journées entières. En février, le mois du bricolage, le cultivateur est venu … a réparé le croisillon en bois, et a changé la paille dégradée. En février un nouvel épouvantail était né pour l'été. » Notre poète anticonformiste Georges Marguin retrouve de sa superbe pour chasser les mauvais esprits …

Ne cherchez pas de poux dans la tête de paille
Du pauvre épouvantail
Par un jour morne un paysan l’a mis
Au milieu des semis
Et le voici, vaille que vaille,
Jours et nuits au travail.

Qui veille, qui surveille
Envahi de fourmis de guêpes ou d’abeilles
Sous la pluie, le vent, le soleil
Pas d’abri pas de sommeil
Il est triste sur une terre de chaumes
Mais jamais il ne chôme.

A travers son haillon qui s’étire et qui baille
Un cœur bat et tressaille
Qui fait naître en lui un désir,
Connaître l’hiver, et ses plaisirs !
Passer par l’automne et ses douceurs
Connaître la nouvelle heure,
Les jours courts les longues nuits
Le travail terminé, la fin des ennuis.
Voir tout ce qu’il a entendu.
Voir ce qu’il n’a jamais vu.

Les tempêtes l’ont couché à moitié
Il a souffert arrimé au sol
Il a repensé à ses tournesols.
Mais voilà enfin février
Que le mauvais temps fait vriller
Février dont il a entendu tant de mal
Que tous souhaitent qu’il fasse ses malles
Pourtant en ce février deux mille vingt trois
Lui qui s’attend à un grand froid
Se trouve déboussolé, la journée
Il a presque retrouvé l’été.

Les nuits sont fraîches et même froides
Et gèlent sa tête aux cheveux roides,
Mais n’est-il pas en paille,
De l’homme cette magnifique trouvaille ?
Il est prêt à poursuivre l’aventure
Lui qui n’a pas besoin de couvertures.

Sauf qu’il ignore qu’il est putrescible
Et que de février humide, il devient la cible.
Inexorablement l’humidité aura raison
De lui, de son image aux moissons
Lui qui debout ses bras en croix était si fier,
Des nuits et des journées entières.

Un tracteur, une caisse à outils, une botte de paille
Une boîte de pointes, quelques morceaux de ferraille.
En février, le mois du bricolage, le cultivateur est venu
A regarder la pauvre dépouille a marmonné sur un ton bourru.
A réparé le croisillon en bois, et a changé la paille dégradée.
En février un nouvel épouvantail était né pour l’été.

@ Georges Marguin, le 27 février 2023



Commentaires

  1. Muzet Christine27/02/2023 11:34

    Très beau texte ! Toujours un plaisir de vous lire Monsieur Marguin, à très bientôt j'espère !

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  2. RUET MONIQUE27/02/2023 16:36

    Toujours aussi bien tourné ! J'espère que vous allez mieux

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