Bizarre, vous avez dit bizarre ?

Une histoire vraie ou pas vraie, c’est à vous de voir. Toute ressemblance avec des personnages ou des situations existantes ou ayant existé, ne saurait être que pure coïncidence.

Bonjour Pierre !
Bonjour Jean !

Alors ça s’est bien passé cet anniversaire de mariage ?
Vous vous êtes remariés comme il y’a 70 ans ?
Si j’avais été là, j’aurais volontiers été témoin.

Tu n’aurais pas été témoin, parce qu’il n’y a pas eu de réunion d’anniversaire en mairie et puis il faut dire que nous ne voulions pas un second mariage, nous voulions seulement une petite réception ponctuée du discours plein d’humour d’un élu, histoire de montrer à nos invités l’esprit convivial sensé régner au village. Mais il faut que je te raconte.

J’avais rencontré le maire qui ne voyait pas d’un mauvais œil ma requête, je serai absent m’a-t-il dit, vous verrez ça avec le premier adjoint. Donc le lendemain je suis allé trouver le premier adjoint qui m’ayant vu arrivé, est venu à ma rencontre et m’a reçu en extérieur.

Je voulais vous voir m’a-t-il dit.
Moi aussi, ai-je répondu tout heureux que nous soyons sur la même longueur d’ondes, c’est certainement pour le même sujet ; notre petite réception.
Exactement, et bien malheureusement c’est non.
Non ? Pourquoi ? Pourtant le maire…

Le maire ne connaît pas l’intérieur de la mairie, m’a-t-il répondu avec autoritarisme, il dit oui à tout le monde sans s’inquiéter des plannings, si ça se trouve à la date que vous m‘indiquez, nous avons trois mariages, alors je regrette c’est non. Devant mon insistance, il s’est ravisé : revenez me voir dans deux jours je vais regarder cela de plus près.

Deux jours après me revoilà en mairie, il m’a encore reçu en extérieur pour me signifier qu’il ne pouvait pas donner suite à ma demande et que c‘était donc un NON catégorique, parce que, tiens-toi bien, il m’a sorti un motif encore plus fallacieux que le précédent, il m’a dit : parce que ça n’est pas dans les traditions !

Hein ? Il t’a répondu ça ? Il va falloir qu’il révise ses classiques locaux ton premier adjoint parce que moi qui ai presque ton âge, je peux assurer que de telles cérémonies ont bien eu lieu, j’y ai été invité. Il n’est pas fin le bonhomme, ce qu’il t’a fait se nomme diviser les gens, lui qui est payé pour les rapprocher il sème la discorde. Les traditions au contraire il devrait les faire revivre, les renouveler, rapprocher ses administrés, les entendre rire, chanter, ce serait de bon aloi, rions, chantons, mais d’après ce que tu m’as dit, sans le connaître, je ne crois pas que ce soit dans ses cordes et il me semble qu’il est plus à plaindre qu’à blâmer.

Oui tu as tout compris.

Mais tu ne crois pas que s’il a refusé ta demande c’est parce que tu fréquentes des gens qu’il n’aime pas ? L’autorité des arrivés, c’est connu.

Oh bien sûr que si, mais ceux qu’il n’aime pas sont mes voisins et ce sont de charmants voisins, pas des dompteurs comme lui, je ne vais quand même pas me brouiller avec eux parce que lui ne les aime pas ! Tu vois un peu l’ambiance dans le village ?

On en revient toujours au même, moi qui te connais, je sais que tu n’es pas virulent, dans tes actes comme dans tes paroles, que tu fréquentes tout le monde, sans distinction de pensées, d’idées politiques, de religions et même de races, tu tolères tout et son contraire, ton premier adjoint ferait bien de te prendre comme modèle, il y aurait moins de zizanie dans votre village.

Tu me flattes un peu trop, viens boire un coup chez la Ginette.
T’as raison et tu pourras raconter ton histoire à tout le monde chez la Ginette, il va y avoir des oreilles intéressées.

Je ne vais pas m’en priver crois moi, chez la Ginette et partout ailleurs.

Jean Thipapy

© Photo DR « Drôle de Drame » film de Marcel Carné sorti en 1937, adapté et dialogué par Jacques Prévert, avec Louis Jouvet et Michel Simon